What’s UP, mate? #3: Jacco ter Schegget

27/07/2021

Ben Jansen entre en discussion avec Jacco ter Schegget

La crise du corona a un impact considérable sur tous les secteurs belges, y compris celui de la publicité. De quel œil les valeurs sûres dans la publicité voient-elles cette évolution ? J’ai demandé à trois collègues de l’advertising d’éclairer ma lanterne. Jacco ter Schegget est le troisième à nous entraîner dans le maelström de ses pensées. Après avoir mené une carrière impressionnante en Asie, Jacco fait partie, depuis l’an dernier, du Publicis Groupe en tant que CEO pour les Pays-Bas et la Belgique. Cela promet des idées fortes à résonnance internationale !

Nous en sommes aujourd’hui à 7 semaines de confinement. Comment allez-vous ? Parvenez-vous à vous habituer à cette nouvelle situation ?

Compte tenu des circonstances, ça va bien. Je tente de trouver un équilibre entre une famille avec des enfants scolarisés qui, pour le moment, sont instruits à la maison, et une journée remplie de vidéoconférences. Les journées sont longues, mais avec le grand avantage que je n’ai plus pu passer tant de temps avec ma famille depuis des lustres. 

Une partie du job est parfaitement faisable de chez moi, notamment tout ce qui est technique : créer des présentations, faire des analyses ou rédiger des rapports de situation. Néanmoins, les brins de causette autour de la cafetière électrique, les signaux subtils des collègues et les discussions en tête-à-tête permettant de se regarder droit dans les yeux s’avèrent irremplaçables. C’est ce qui me manque très certainement et j’en retire mon énergie professionnelle.


Quid lorsqu’il vous reste un peu de temps en dehors du boulot et de la famille ?

Alors, je me divertis en tentant d’améliorer mon jeu de guitare médiocre et en faisant un peu de jardinage. 

Le virus a un impact sur de nombreux secteurs d’entreprise. À vos yeux, quelles sont les branches qui prennent le plus de coups ?

Les voyages, le détail et l’automobile souffrent particulièrement beaucoup ces temps-ci. Par contre, certains autres secteurs font de bonnes affaires, comme diverses catégories de CPG : les produits ménagers, les produits alimentaires, etc. Les détaillants en ligne tournent toutefois aussi à plein régime. Une série de fabricants de produits de consommation maintiennent les investissements au même niveau et il y en a même qui, en ce moment, augmentent leurs investissements.

Notre secteur, hélas, souffre aussi. En général, les marges que l’on y pratique ne sont déjà pas fort élevées. Les entreprises dans des secteurs spécifiques comme la production et la communication retail, notamment, souffrent beaucoup en ce moment. Je crains dès lors que certaines d’entre elles ne s’en relèveront pas.

Petit à petit, le virus semble légèrement relâcher sa prise sur nos hôpitaux belges. Jusqu’où va encore l’impact côté publicité?

Je pense que nous en sommes arrivés à un point où – espérons-le – le fond est atteint. On voit qu’en avril et en mai, les investissements et les activités ont été fortement réduits. En outre, une série de projets et de campagnes ont été reportés à l’automne.

Je commence toutefois à distinguer quelques lueurs d’espoir ; du côté d’entreprises qui lancent de nouveaux projets et où l’on réserve à nouveau des médias pour le mois de juin.

De quelle façon voyez-vous des annonceurs réagir à cette crise et comment évaluez-vous cela ?

Nous savons qu’en temps de déclin économique il importe justement de continuer à investir dans sa marque, afin de maintenir son ‘share of voice’ sur le marché. Mieux encore, il a été prouvé scientifiquement que c’est justement maintenant qu’il faut préserver, voire augmenter son investissement. Et pourtant, on ne le fait pas. Les sociétés qui appliquent ce principe se comptent sur les doigts d’une main. 

Je comprends aussi. Quand la crise éclate, il y a d’abord panique à bord et il est difficile de fixer un point à l’horizon sur lequel mettre le cap. Souvent la liquidité dans les entreprises pose problème ; le cash est roi. Cependant, à l’heure où nous savons plus sur la façon dont se développe le coronavirus et où sa propagation diminue tant aux Pays-Bas qu’en Belgique, j’espère et je m’attends à ce que les choses se normaliseront à nouveau aussi dans notre secteur.

Publicis Groupe est actif en Belgique comme aux Pays-Bas. Relevez-vous de grandes différences dans l’approche adoptée par ces deux pays ?

Je ne vois pas de grosses différences entre l’approche des pouvoirs publics aux Pays-Bas et en Belgique. Il y a quelques nuances au niveau du timing et des restrictions. Fondamentalement, les deux pays font appel au citoyen pensant et autonome. Une différence importante se situe toutefois au niveau du nombre de lits en soins intensifs. La question de savoir s’il y avait une capacité suffisante a brièvement tenu en haleine les Pays-Bas. En Belgique, les soins souvent débattus n’ont pas frôlé la pénurie de si près.

Pensez-vous qu’à terme il y aura des changements dans le comportement d’achat en raison de cette crise ?

Je suis convaincu que suite à cette crise, le comportement d’achat se verra modifié. Là où, comparée à d’autres pays, la Belgique semble encore un peu à la traine pour ce qui y est de l’utilisation de plateformes et médias numériques, cette crise va sûrement donner un fameux coup de fouet au shopping en ligne. On constate une forte augmentation du nombre de places de marché en ligne ou de l’utilisation de canaux de marque en ligne propres. Les gens qui aujourd’hui, pour la première fois ou, sans doute, plus fréquemment, se servent de l’e-commerce, ne vont vraiment pas soudain y mettre un terme une fois que cette crise sera passée. Cela signifie donc que le comportement d’achat des consommateurs et leur ‘user journey’ changeront à jamais. Il s’en suit que les marques devront plus que jamais étudier l’entièreté du parcours du client et relier tous les points de contact, en ligne et hors ligne. 

Ce qui nous amène à l’importance cruciale de la data. Car les données client peuvent aider à approcher et convertir les gens de manière bien plus efficace et effective. Cela revêt une importance majeure, car nous savons qu’une récession post-corona est probable. L’utilisation de la data pour toucher son client de façon plus performante est cruciale pour  un bon investissement des rares deniers marketing. Par ailleurs, nous savons que lors d’une récession les marques servent de modèles de confiance aux consommateurs. La data aide à récolter des insights qui nous permettent de développer des stratégies et des idées créatives, permettant à leur tour de mettre en place des campagnes et des plateformes plus efficaces. 

Pour notre métier, de beaux jours s’annoncent. Le corona déclenchera à coup sûr une accélération dans l’alchimie des données, de la technique et de la créativité.

Comment pensez-vous qu’évoluera la situation ?

Le week-end dernier, j’ai été en contact avec quelques amis en Chine (j’ai travaillé en Asie pendant 5 ans), et on voit qu’on y a relancé la machine. En Chine, la technologie joue un rôle important dans la lutte contre le virus. Les pouvoirs publics misent sur l’IA pour exploiter la data des télécoms et des médias sociaux et ainsi tracer ceux que le virus a infectés. D’un point de vue occidental, il me semble qu’on peut se poser des questions sur le respect de la vie privée et de l’individu, mais en Chine c’est accepté, et ça fonctionne.

L’économie s’y rétablit aussi. Ainsi, LVMH et Hermès y ont réalisé un chiffre d’affaires record en mars. En Chine, on appelle cela ‘baofuxing xiaofei’ (ou ‘revenge buying’) ; il semblerait que les gens aient finalement besoin de reprendre le fil de leur vie au plus vite. Ce n’est toutefois pas tout. On voit que de nombreux détaillants ont fermé leurs magasins ces derniers temps, à l’image de Burberry et Uniqlo. Ils ne réouvrent vraiment pas tous. On relève en outre une pression des prix sur les courses quotidiennes liées aux choses non essentielles. Pensez aux vêtements, aux meubles et aux produits cosmétiques. Cela peut évidemment mener à une baisse de confiance de marque et une augmentation du comportement de changement.

Sans savoir quand précisément, dans x semaines ou mois nous sortirons de cette crise. De quoi un annonceur devra-t-il absolument tenir compte ?

Eh bien, une série de choses auront changé. Je pense ainsi que nous pourrons oublier les événements à grande échelle, jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin. Cette société d’un mètre et demi aura donc bel et bien un impact sur notre domaine d’activité. Comment le client s’orientera-t-il en magasin ? Qu’est-ce que ça signifie pour la surface commerciale ? Et comment le comportement d’achat et d’orientation global changera-t-il maintenant que l’e-commerce est plus souvent utilisé ? Verra-t-on, en période post-corona, une augmentation des ‘switchers’ dans un marché sensible aux prix ? Et cetera.

Je pense que personne n’a le monopole de la sagesse et qu’il est donc d’autant plus important, durant la période à venir, de placer le client et sa client journey au centre de toutes les préoccupations. Afin de générer des insights à partir de la data qui nous aideront à cadrer ce comportement client évolutif, et ensuite à adapter le produit et les plateformes ou la communication assorties.

Une ère intéressante s’annonce et je pense que les entreprises qui aujourd’hui prennent les devants en axant leur construction de marque sur sur la data et le digital, sortiront les plus fortes de cette crise.

Quittons l’avenir pour revenir brièvement au présent : la fin du confinement n’est pas pour demain. Comment utilisez-vous votre temps de manière positive ?

Après deux semaines de télétravail, j’ai vérifié combien de pas j’effectuais en un jour. Souvent, ça ne dépassait pas les 2.000. Pendant les conversations téléphoniques, je sors donc faire un tour dehors. J’engrange ainsi mes mètres et ça me donne plus d’énergie

#annoncezlocal

Un grand merci, Jacco !

Consultez également le What’s UP, mate? #2 avec Danny Van Assche.

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