Les Lions de Cannes 2018 vus par Happiness
Cette année, cinq agences belges ont ajouté à leur tableau de chasse des Lions fort convoités. Dans cette série, nous leur donnons la parole pour nous livrer leur regard sur le festival de Cannes. Aujourd’hui, la parole est au Philippe Fass, Creative Director de Happiness. « Le fait que, désormais, les agences de consultance sont aussi présentes au festival démontre que la créativité et l’expertise ne cessent de prendre de l’importance. »
Vous avez remporté un Lion de bronze avec ‘Behind the numbers’ pour OVK. Quelle importance a ce prix pour vous ?
Philippe Fass, Directeur créatif : « Nous ne faisons pas des campagnes pour gagner des prix. On peut espérer y rafler quelque chose, mais on ne peut pas s’y attendre. De nos jours, il est d’autant plus difficile de gagner quoi que ce soit, parce que le bon boulot s’est démocratisé. Il est déjà formidable d’être shortlisté. Il est dès lors difficile de prédire qui seront les grands vainqueurs. Vous voyez, à mes yeux le festival des Lions de Cannes est un benchmark pour la publicité en général, partout dans le monde. Ce genre d’award prouve que votre campagne a suscité quelque chose. Et puis, bien sûr, un prix de cette trempe peut aussi aider à attirer les talents adéquats. »
Quelle était votre campagne préférée ?
« Mon case préféré est ‘My Line’ de Google. Cette campagne a permis aux Colombiens d’avoir accès à Internet avec leur appareil mobile classique. Car beaucoup de gens là-bas n’ont pas encore de smartphone, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’Internet. La solution ? Former un numéro d’appel, créé par Google, et y poser sa question. Ensuite, Google Assistant se met à l’œuvre et deux secondes plus tard vous avez déjà la réponse. Pour beaucoup de paysans colombiens, c’est une façon très pratique de rester au fait des prévisions météorologiques. En somme, tout appareil mobile normal est transformé en un smartphone. »
Quelle évolution avez-vous constatée au festival ?
« Plusieurs choses m’ont frappé. Primo, j’ai constaté que, désormais, les agences de consultance aussi sont présentes au festival. Bien sûr, il faut encore quelque peu se faire à l’idée qu’elles font désormais également de la publicité, et qu’elles commencent même à remporter des prix. Cependant, plutôt que de craindre leur concurrence, nous devons nous focaliser sur les outils dont elles disposent. Car ceux-ci peuvent nous être utiles aussi. En fait, leur présence démontre que la créativité et l’expertise ne cessent de prendre de l’importance.
J’ai observé un autre changement, au niveau des catégories. Avant, on pouvait pour ainsi dire s’inscrire dans 80 catégories différentes. Aujourd’hui, il est plus clair ce que les awards représentent, à l’image des catégories séparées pour tout ce qui touche aux œuvres. Cela laisse plus de latitude aux cases commerciaux, ce qui est essentiel compte tenu du fait que 95 % de la publicité reste commerciale.
Quant à la grande tendance de cette année, elle concernait l’Intelligence Artificielle. J’ai trouvé cela très inspirant, car chez Happiness aussi nous réfléchissons sans cesse à l’avenir. Une tendance qui aujourd’hui semble encore modeste, peut en effet bientôt prendre de l’ampleur et dominer. Notre devise est donc ‘Leading the world by leading the way’. »
Que pensez-vous de la phrase ‘Print is dead’ dans le cadre du festival ?
« Geoffrey Hantson (Chief Creative Officer chez Happiness, ndlr.) a toujours peur, dans le couloir des créations print et outdoor, de se voir présenter 90 % de scam. Il s’agit alors de productions en provenance d’agences ayant demandé à leur client, exceptionnellement, de pouvoir réaliser un joli print. Heureusement, les 10 autres % restent toujours des œuvres particulièrement pertinentes et de grande qualité. Le plus important, à mes yeux, c’est que ce soit engaging. Pensez par exemple à la ‘IKEA Pee Ad’. C’est particulièrement juste et amusant et à la fois très commercial. Mais, par-dessus tout, ça domine la chronique. Car il ne s’agit évidemment pas seulement des quelques personnes qui ont en effet fait un pee sur l’ad, mais aussi des émissions en fin de soirée aux Etats-Unis dans lesquelles on s’est intéressé au case et des messages sur les médias sociaux qui ont aidé à le diffuser. Bref, c’est un excellent exemple d’une campagne engageante qui, de ce fait, prend toujours plus d’ampleur, tant en termes de diffusion que de réputation. »